vendredi 17 février 2017

Mon père, ce héros

A l'occasion de sa sortie en DVD, je vous recommande vivement le film de Maren Ade  
Toni Erdmann :




Un petit article pour accompagner votre visionnage du film:


A l’occasion de la sortie en DVD de Toni Erdmann chez BlaqOut, retour sur le film événement de 2016, oeuvre étrange et virtuose.

Toni Erdmann restera l’un des parangons de l’année filmique passée. Dans un climat de fatigue sociale, une bête à poils sortie du folklore bulgare va servir de médiateur à la réalisatrice, Maren Ade, entre une fille et son père. Ou comment la fiction permet de se reconnecter au réel.
Inès travaille comme consultante  pour une boîte – une de ces entreprises là, qu’importe, celles qui représentent la dérive d’une société de fantoches. Elle se laisse guider par son travail, son mode de vie linéairement organisé par les contrats qui se présentent (repos, sexualité, soirées). Elle ne voit plus son père. Lui, Winfried, décide d’aller la retrouver à Bucarest, suite à une visite impromptue dans son Allemagne natale où il l’a trouvée, désenchantée et sans élan profond, le visage marqué par une moue indifférente, au mieux un sourire de façade.

Killeuse et dentier
Inès s’est créé un personnage qui intervient maladroitement dans son travail, celui de la femme aux cheveux tirés et tailleur, avenante et fragilement sûre d’elle. Ce qui lui demande une énergie folle, dans le cadre d’une supercherie à grande échelle, celle des marchés de l’économie capitaliste, et contamine sa vie hors cadre professionnel. Le personnage construit par Winfried, inventé depuis quelques temps sûrement mais qui est amené à évoluer au contact de sa fille, est lui un véritable double : Toni Erdmann. Toutes dents dehors, comme le nez du clown, il vient faire dévier, pesant de tout son poids, la morne ligne droite sur laquelle s’est engagée Inès. Mais pas de morale, seulement une façon pour le père d’échanger de nouveau avec sa fille.

 La virtuosité de Maren Ade
Et c’est là que se trouve la virtuosité de l’œuvre de Maren Ade : attachés au point de vue d’Inès, les multiples récits, celui du film et des doubles fictifs des personnages menés par l’improvisation de Toni Erdmann face aux évènements qui se présentent (un rendez-vous protocolaire, une visite de chantier), se mêlent et se nourrissent. Finement, la jeune femme voit sa vision de la société bousculée par cet étrange personnage, aux manières brusques, faussement brusques. Et cette confrontation, sans emphase de la mise en scène qu’on pourrait croire naïve, fait naître des instants d’une rare émotion, qui explose en un souffle retenu, avec pudeur mais franchise, et sans conviction faite. Chez Inès, le doute est toujours là, mais sa tête est tournée vers d’autres voies, encore invisibles.
Toni Erdmann vient de sortir en DVD et Blu-ray chez BlaqOut, accompagné d’une interview de la réalisatrice. Reparti bredouille de Cannes, il n’en reste pas moins un film qui aura marqué les esprits, preuve en est les 340 000 spectateurs qui se sont réunis pour le voir en plein mois d’août, malgré ses 2h42 et l’anonymat relatif de sa réalisatrice, sa bonne position dans la course aux Oscars et Césars du meilleur film étranger, ainsi que le remake américain tout juste annoncé, avec Kristen Wiig et Jack Nicholson dans les rôles principaux..
 

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